L’industrie de la défense s’enrichit pendant que les pauvres s’entassent dans les bas-fonds des grandes villes américaines.
Quand le président de l’Ukraine Volodymyr Zelensky s’est adressé au Congrès américain le 16 mars, il a reçu une ovation des membres des deux partis, républicain et démocrate. Après son discours, des républicains ont utilisé les médias pour promouvoir l’intervention américaine contre la Russie. Chez les démocrates, les dés de la guerre étaient déjà pipés.
À qui profite la guerre?
À l’époque, la Maison-Blanche avait déjà décidé d’ouvrir le coffre-fort pour faire parvenir des milliards à l’Ukraine. Au départ, il s’agissait de 13,5 milliards, un montant auquel a été ajouté 33 milliards, majoré depuis à 40 milliards. Sur les 13,5 milliards initiaux, la moitié devait être consacrée à la défense pour le déploiement de troupes en Europe de l’Est et l’envoi de matériel.
Sur la seconde tranche d’aide conférée à l’Ukraine, plus de 20 milliards devraient être affectés aux dépenses militaires. Parmi les firmes qui profiteront de la manne figure Raytheon, au conseil d’administration de laquelle siégeait il n’y a pas si longtemps un certain Lloyd Austin. Mais qui donc est Lloyd Austin? L’actuel secrétaire à la Défense des États-Unis. Voilà donc un lobbyiste de plus pour Raytheon à la Maison-Blanche.
Puisqu’il est question de lobbying : durant le seul conflit en Afghanistan, les firmes de la défense ont dépensé 1 milliard en frais divers de lobbying. Le retour sur investissement aura été plutôt significatif puisqu’elles ont empoché des contrats de 2 billions de dollars, d’après le magazine Responsible Statescraft qui cite le Security Policy Reform Institute. Pas mal, non?
Au Pentagone, les officiels sont tellement excités de distribuer les jetons à ces firmes dont ils savent qu’elles vont leur offrir un poste quelconque après leur carrière militaire que le chef d’État-Major des armées des États-Unis, le général Mark Milley, a bien fait comprendre à la presse que la guerre en Ukraine allait durer non pas des mois, mais des années. Une façon peu subtile d’ouvrir la porte à de nouvelles enveloppes destinées à l’Ukraine et, par ricochet, à l’industrie de la défense.
Les firmes de cette industrie ne l’avoueront jamais en public, mais l’invasion russe tombe plutôt bien, car avec le retrait des États-Unis de l’Afghanistan l’an dernier, les commandes étaient presque à sec. Elles ont d’ailleurs reçu des mots d’encouragement de Washington alors que des officiels de la Maison-Blanche ont rencontré à plusieurs reprises leurs PDG pour les exhorter à étendre leur capacité de production d’armes sophistiquées afin que le gouvernement américain puisse les acheter en quantités massives et les distribuer aux forces ukrainiennes.
Le 3 mai, le président Joe Biden lui-même s’est offert une visite à l’usine de Lockheed Martin à Troy, en Alabama – un choix stratégique puisqu’il s’agit d’un fief républicain, et a fait l’éloge des travailleurs qui fabriquent des missiles antichars Javelin, affirmant que leur travail était essentiel à l’effort de guerre en Ukraine et à la défense de la démocratie elle-même. Ce qu’il ne peur a pas dit, c’est que leur travail sert surtout à graisser la patte des riches.
Les pauvres graissent la patte des riches
Fait étonnant qu’aucun média n’ose souligner : le montant total dépensé en moins de trois mois par les États-Unis pour la guerre russo-ukrainienne est proche du budget militaire total de la Russie pour l’année entière (65,9 milliards de dollars).
Pendant ce temps, près de 30 millions d’Américains ne disposaient toujours pas de couverture médicale en 2020. En février dernier, le taux de pauvreté avait atteint 14,4 % aux États-Unis. Selon l’analyste politique Glenn Greenwald, le pays comptait 6 millions de pauvres de plus en février par rapport à décembre 2021. Les dernières données du U.S. Census Bureau ont révélé qu’environ 42,5 millions d’Américains vivaient en dessous du seuil de pauvreté.
Tout cela alors que les États-Unis, comme le reste du monde, se préparent à une crise économique doublée de possibles pénuries de certains produits. Mais ils avaient tout de même 55 milliards à consacrer à l’Ukraine.
Sources
Defense News, Glenn Greenwald, Responsible Statescraft, Revolver, VOA