En 1968-69, la grippe de Hong Kong a fait entre 1 et 4 millions de morts. Mais pour le monde, c’était business as usual.
En 1968, le monde occidental était plutôt agité : mouvement de Mai 68 en Europe, manifestations pour les droits civiques aux États-Unis, on s’activait ici et là à repousser les barrières politiques et sociales. Mais 1968 a aussi vu l’émergence du virus le plus mortel depuis la grippe espagnole de 1918-19 : le H3N2, mieux connu sous le nom de grippe de Hong Kong.
Entre 1968 et 1970, le H3N2 a fait entre 1 et 4 millions de morts dans le monde, plus de 100 000 seulement chez les Américains, selon le Centre pour le contrôle et la prévention des maladies des États-Unis (CDC) et l’Encyclopaedia Britannica. À une époque où, faut-il le préciser, l’humanité comptait 3,5 milliards de personnes.
Business as usual
Pourtant, rien n’a changé dans la vie des Occidentaux après la découverte des premiers cas d’infection à l’été 68. Les écoles n’ont pas été fermées, le port du masque n’était pas obligatoire, les grands rassemblements étaient autorisés (pensez à Woodstock) et la distanciation sociale n’a jamais été évoquée.
Pourquoi la réponse à cette pandémie a-t-elle été si différente de celle qui nous concerne? D’abord, un fait important à noter : le H3N2 était moins virulent que le COVID-19. Son taux de mortalité était d’environ 0,5 %, alors que celui du COVID, du moins pour le Canada, est de 1,7 %, d’après les chiffres de l’Université Johns-Hopkins. Mais rappelons-nous tout de même les morts : 1 à 4 millions, de quoi faire sourciller même les gouvernements les plus téméraires.
En outre, les similitudes entre les deux pandémies sont assez frappantes. Tant le H3N2 que le COVID se propagent rapidement et provoquent des difficultés respiratoires, de même qu’ils peuvent déclencher des épisodes de fièvre et de toux. Mais celle de 1968-69 n’a pas fait la une des médias. Que quelques articles secondaires relégués dans les lointaines pages.
Même la nouvelle de l’arrivée d’un vaccin sur le marché en août 69 n’a pas retenu l’attention des réseaux d’information. « Nous avons laissé [toute la question] des maladies aux professionnels de la santé, aux individus et aux familles, plutôt qu’à la politique, aux politiciens et au gouvernement », a déclaré Jeffrey Tucker, directeur éditorial de l’American Institute for Economic Research.
Devrions-nous donc parler d’un fossé générationnel?
Possible. L’idée qu’une pandémie puisse être contrôlée par la distanciation sociale et des confinements est relativement nouvelle chez les dirigeants politiques, nous révèle Jeffrey Tucker. La technologie peut aussi contribuer à alimenter la psychose. Les réseaux sociaux, par exemple, ont amplifié les phénomènes d’anxiété chez le public. Puis en 1968-69, les politiciens subissaient moins de pression des groupements sociaux qu’aujourd’hui.
Le clivage entre les deux époques est important. Depuis mars 2020, le seul fait de s’opposer aux mesures gouvernementales peut vous faire perdre votre réputation et même, comme on le voit depuis quelque temps, votre emploi. Autres temps autres moeurs, dit-on.
Sources
The New York Post, The Rotation, The Wall Street Journal, Université Johns-Hopkins
Photo : Ric Manning, CC BY 3.0