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Les relations de Charles III avec des princes du Moyen-Orient l’ont placé plus d’une fois dans l’eau chaude.

Quand on évoque la vie du roi Charles III, c’est surtout sa relation avec son ex-princesse, Diana Spencer, qui nous vient à l’esprit. Une relation orageuse dépeinte avec brio dans la série Crown, diffusée sur Netflix. Ce que l’on connaît moins de Charles, cependant, c’est sa connexion avec le monde arabe, plus précisément avec de riches princes du Moyen-Orient, ce qui l’a placé à plus d’une reprise dans une position délicate.

Justement, à seulement quelques semaines de son accession au trône d’Angleterre, celui que l’on désignait jusque-là sous le nom de prince Charles était englué dans une énième controverse dont il se serait sûrement passé.

Des cadeaux des bin Laden

Le 31 juillet 2022, des médias britanniques révélaient que le prince Charles avait accepté 1 million de livres sterling (1,2 million de dollars américains) des mains de Bakr et Shafiq bin Laden, deux des demi-frères de l’ex-chef terroriste Oussama bin Laden. L’argent avait été transféré dans le Prince of Wales’s Charitable Fund, ou le Fonds caritatif du prince de Galles, et ce même si les conseillers du prince l’avaient exhorté à ne pas accepter le don.

Le Fonds caritatif du prince de Galles a été fondé en 1979 dans le but de « transformer des vies et de construire des communautés durables ». Il accorde des subventions à une grande variété de projets non seulement au Royaume-Uni, mais aussi dans le monde entier. Bref, une belle façade et un objectif plus que noble, mais jusqu’à quel point?

Aucun lien direct ne peut être établi entre les bin Laden et leur demi-frère au passé trouble, mais il n’en demeure pas moins que beaucoup au Royaume-Uni se demandent ce qui a bien pu entraîner Charles dans le piège arabe.

Pro-islam et antisémite?

La reine Elizabeth aurait-elle dû écarter ce cher Charles de sa succession? La question se pose, car dans une lettre datée du 24 novembre 1986, l’ex-prince et nouveau roi avait laissé entendre que « l’afflux de juifs européens » en Israël était à blâmer pour le conflit israélo-arabe, de même qu’il avait déploré que les présidents américains ne soient pas plus disposés à s’attaquer au « lobby juif ».

Cette apparence d’antisémitisme chez Charles est inversement proportionnelle à la sympathie qu’il éprouve à l’endroit des musulmans. Ce qui l’a d’ailleurs amené à étudier l’arabe pour lire le Coran, mais aussi à observer l’islam sous le prisme d’un idéalisme profondément naïf.  

En 2001 par exemple, Charles était présent lors de l’ouverture du London Muslim Centre à la mosquée East London, qui abrite le Forum islamique d’Europe, une façade du Jamaat-e-Islami, un mouvement intégriste fondé en Inde en 1941. Deux ans plus tard, la mosquée accueillait Anwar al-Awlaqi, idéologue d’Al-Qaida et conseiller spirituel de trois des pirates de l’air du 11-Septembre, tué en 2011 au Yémen par un tir de drones américains.

Toujours en 2001, Charles a participé à un événement dont l’hôte était Chowdhury Mueen Uddin, un membre du Jamaat-e-Islami qui a été condamné à mort par contumace au Bangladesh en 2012 pour le meurtre d’intellectuels bengalis.

De curieux dons en argent comptant

En juin 2022, soit à peine un mois avant que les médias ne rapportent l’affaire des dons remis par les frères bin Laden, Charles a dû répondre à d’autres questions cette fois concernant un scandale qui a résonné beaucoup plus fort dans les corridors du Palais de Buckingham.

C’est que le nouveau roi avait accepté trois millions d’euros en argent comptant du cheikh Hamad bin Jassim bin Jaber al-Thani, un ancien ministre du Qatar, entre 2011 et 2015. À trois reprises, Charles se serait vu remettre en mains propres une valise ou un sac contenant un million d’euros de la part du cheikh. Les fonds avaient été déposés dans les comptes bancaires du Fonds caritatif du prince de Galles.

Hamad bin Jassim bin Jaber al-Thani est un gros joueur à Londres, entre autres dans le domaine immobilier. Mais il est surtout connu pour son côté véreux. Son nom est apparu à la foi dans les Panama Papers et dans les Pandora Papers, ces documents qui ont mis au jour une longue liste de personnalités impliquées à fond dans l’évasion fiscale à l’étranger. Al-Thani, pour ses nombreuses entreprises, a eu recours à des sociétés offshores rattachées à des comptes aux îles Vierges britanniques et aux Bahamas.

En 1996 déjà, alors qu’il occupait le poste de ministre des Affaires étrangères du Qatar, Hamad bin Jassim bin Jaber al-Thani s’était compromis dans une affaire de pots-de-vin avec la firme britannique BAE Systems. Le Qatar avait alors signé un contrat d’armement de 500 millions de livres sterling avec BAE Systems, non sans une ristourne de 7 millions transférée dans deux fiducies de Jersey que le cheikh possédait. Le gouvernement britannique avait empêché les autorités de l’île anglo-normande d’enquêter sur l’affaire pour ne pas nuire aux relations entre le Royaume-Uni et le Qatar.

L’un des partenaires d’affaires de Hamad bin Jassim bin Jaber al-Thani est un autre membre de la famille royale, Hamad bin Khalifa al-Thani, dont on sait qu’il a financé le groupe terroriste Hamas. Le Qatar entretient des relations de longue date avec le Hamas et a même abrité et abrite encore des membres haut placés de l’organisation, ce qui ne semble pas troubler les élites occidentales outre mesure.

La fondation du nouveau roi d’Angleterre aurait par ailleurs accepté de l’argent d’un Saoudien du nom de Mahfouz Marei Mubarak bin Mahfouz, en retour d’un titre honorifique. Michael Fawcett, l’ancien valet adjoint du prince Charles, a été inculpé de trafic d’influence dans cette affaire. Bin Mahfouz était si proche de la famille royale britannique que la fontaine et le jardin de la maison Dumfries portent son nom, de même qu’une zone boisée près du château de Mey, une résidence royale située dans la commune de Thurso, en Écosse.

Bin Mahfouz, dont le nom est lui aussi apparu dans les Panama Papers, a aussi agi à titre d’ambassadeur pour la fondation du prince Charles.


Sources

Associated Press, Focus on Western Islamism, ICIJ, National World, The Daily Beast #1, #2, The Guardian, The Spectator, The Telegraph, The Times of Israel, Wikipedia