La mort de Diana en août 1997 a provoqué l’émergence de l’une des plus importantes théories modernes de la conspiration.
Voilà plus de vingt ans que Lady Diana Spencer est décédée dans un tragique accident de voiture au matin du 1er Septembre 1997. C’est peu dire que la nouvelle de sa mort avait été accueillie avec un brin de scepticisme. Pour les cercles conspirationnistes, Lady Diana a été assassinée, probablement par les services secrets britanniques, le MI6, sur les ordres de la famille royale. Pourtant, les enquêtes française et britannique ont conclu que l’accident avait été causé par le chauffeur Henri Paul alors qu’il était sous l’effet de l’alcool. Pourquoi donc la théorie du complot est-elle si populaire?
Une moto, une voiture et des paparazzi
À voir les photographies prises avant l’accident, on sait pourquoi les enquêteurs ne s’étaient posé qu’une seule question dans les minutes suivant la mort de Lady Di : les paparazzi étaient-ils coupables d’avoir causé le malheureux événement? Plusieurs témoins ont dit avoir vu des éclairs dans le tunnel du Pont de l’Alma, possiblement dardés par des appareils-photo. Des photographies publiées ultérieurement dans les médias, sur lesquelles on peut voir le chauffeur Henri Paul et le garde du corps Trevor Rees-Jones éblouis par un éclair, ont confirmé ces assertions. Mais les enquêteurs français en ont déduit, curieusement, que les paparazzi n’étaient aucunement en cause, une conclusion partagée par la dernière enquête britannique, celle de l’Opération Paget, de Lord Stevens.
En plus de la Mercedes, une motocyclette et une voiture avaient été aperçues par les témoins peu de temps avant l’impact. La voiture, de marque Fiat, était blanche pour une majorité d’entre eux, mais noire, voire bleu foncé pour les autres. C’est néanmoins sur la blanche que les enquêteurs français s’étaient concentrés, et ils eurent très tôt fait de cibler un homme qui est devenu, sans le savoir, leur suspect numéro 1.
James Andanson
Cet homme avait eu une idée somme toute saugrenue : vendre des pièces de sa Fiat blanche, de modèle Uno, quelques mois après le fameux accident du 1er septembre 1997. Son nom : James Andanson. Photographe de profession, Andanson avait justement photographié Lady Diana en compagnie de Dodi Al-Fayed lors de leurs vacances à Saint-Tropez en juillet cette année-là. Notre homme était donc le parfait coupable, mais il avait un alibi, du moins en apparence : le soir du 31 août, il se trouvait aux côtés de sa femme à plus de 275 kilomètres au sud de Paris. En apparence parce que son fils a déclaré n’avoir jamais vu son père ce soir-là dans la demeure familiale. Cela dit, la Fiat blanche d’Andanson n’était plus en très bonnes conditions, elle qui avait parcouru 370 000 kilomètres. Mais alors que le paparazzi tentait de se faire oublier, le 4 mai 2000, il fut retrouvé calciné dans la carcasse de sa voiture. Conclusion des autorités : la victime s’est suicidée. Mais l’histoire continue…
Christophe Pelat, le pompier qui a découvert le corps d’Andanson, était convaincu qu’on avait tiré deux fois dans la tête du photographe. Celui-ci aurait-il donc été assassiné parce qu’il en savait trop? Pas selon la police française, qui avait fait ses devoirs : selon elle, les deux trous que Pelat a vus dans le crâne de la victime se seraient formés à cause de la chaleur intense du feu.
Tel un fantôme, Andanson est revenu un peu plus tard hanter les corridors des commissariats. C’est que dans la nuit du 16 juin 2000, soit plus d’un mois et demi après la mort du photographe, l’agence de presse pour laquelle il travaillait, Sipa-Press, s’est fait cambrioler par trois hommes cagoulés qui ont emporté ordinateurs, disquettes et photographies diverses. Certains en ont évidemment profité pour propager quelques sombres rumeurs à ce sujet, mais selon les enquêteurs, les cambrioleurs n’auraient touché à aucun objet appartenant à Andanson. Ils étaient plutôt à la recherche d’une photographie compromettante impliquant une personnalité publique.
Les « révélations » d’un ancien du MI6
Richard Tomlinson parle beaucoup, ce qui lui a valu quelques accrochages avec ses anciens patrons. Ex-officier du Secret Intelligence Service britannique (MI6), Tomlinson croit que les services de renseignements de Sa Majesté ont fomenté un complot à l’endroit de Lady Diana. Pour conforter son opinion, il s’est servi d’une anecdote divertissante. Un ex-collègue, Nicholas Fishwick, ancien responsable de la planification des opérations dans les Balkans au sein du MI6, lui aurait un jour montré un document contenant un plan d’assassinat envers l’ancien président de la Serbie, Slobodan Milosevic. Assassinat qui, selon l’un des scénarios envisagés, devait être commis à l’aide d’un fusil à éclairs permettant de désorienter le chauffeur de Milosevic, provoquant ainsi un accident de voiture. On le devine, Tomlinson prétend que ce petit gadget peut avoir été utilisé dans le tunnel de l’Alma.
Pour ajouter un peu de piquant à l’histoire, l’ex-officier du renseignement est persuadé que l’un des photographes qui suivaient Lady Diana dans ses nombreux voyages était un membre de la section UKN, composée d’agents du MI6 voués à l’expertise photographique. Prudent, Tomlinson n’a pas manqué de spécifier qu’il ne connaissait pas l’identité de ce photographe, pas plus qu’il ne savait s’il était présent sur les lieux de l’accident. Autant dire que cette piste ne mène nulle part.
Doit-on prendre au sérieux les propos de Tomlinson? Non, si l’on se fie aux conclusions de l’enquête britannique de lord Stevens, dont le rapport a été publié en décembre 2006. Stevens a pu avoir accès à des documents du MI5 (le service de sécurité intérieure du Royaume-Uni) et du MI6 qui démontrent qu’il n’avait jamais été question d’assassiner Slobodan Milosevic. En outre, le dossier de Fishwick ne fait aucunement mention d’un scénario prévoyant un accident causé par un fusil à éclairs. Faisant montre d’un peu plus de sérieux, Tomlinson est revenu depuis sur ses déclarations, avouant qu’il en avait peut-être mis un peu trop. On s’en serait douté.
Oswald LeWinter
Voici un récit digne d’un roman-savon. Le 22 avril 1998, sur une terrasse à l’extérieur d’un luxueux hôtel de Vienne, un homme du nom de George Mearah discute avec John McNamara, directeur de la sécurité au magasin Harrod’s, qui appartient en partie à Mohammed Al-Fayed, le père de Dodi. Devant un McNamara impassible, Mearah y va d’une déclaration « fracassante » : ce sont les services secrets du Royaume-Uni qui ont assassiné Lady Diana et Dodi Al-Fayed, prétend-il. Pour 15 millions de dollars, il est prêt à remettre à Al-Fayed des documents classés secrets qui prouvent ses dires. Mearah et McNamara conviennent alors de se rencontrer de nouveau, mais ce qui’ignore le premier, c’est que le second, certain d’être en présence d’un arnaqueur — il a du flair —, avait au préalable alerté le FBI, la CIA et les autorités autrichiennes, rien de moins.
Mais qui est donc ce George Mearah? Un nom d’emprunt utilisé par Oswald LeWinter, un personnage excentrique et soi-disant informateur de la CIA. Il sera été arrêté à Vienne le soir même du 22 avril et accusé d’usage de faux. Étrangement, personne d’autre ne sera incarcéré relativement à cette affaire.
Pourtant, un mois avant la rencontre entre LeWinter et McNamara, Keith Fleer, un avocat de Hollywood et associé de LeWinter dans cette machination burlesque, avait lâché un coup de fil à l’avocat d’Al-Fayed. Fleer prétendait qu’il était en contact avec des hommes possédant des documents prouvant l’assassinat de Lady Diana, commandé par le Palais de Buckingham s’il vous plaît. Après diverses négociations entre Fleer, McNamara et l’avocat d’Al-Fayed, tous s’étaient mis d’accord pour se rencontrer à Vienne, en contrepartie d’un transfert électronique de 25 000 $ destiné à LeWinter. C’est à ce moment que McNamara avait alerté le FBI et la CIA.
LeWinter avait raconté à McNamara que le directeur du MI6 avait demandé l’aide de la CIA pour assassiner la princesse Diana et son amant, laquelle CIA l’aurait dirigé vers une unité du Mossad israélien, l’Équipe K, composée de tueurs professionnels à qui les conspirationnistes ont attribué mille et un meurtres, dont celui, évidemment, de Lady Diana. Pas de surprise, la thèse de LeWinter a été jugée peu crédible par les enquêteurs, sans doute parce que l’homme qui la soutenait ne l’était pas davantage.
Dès 1953, Oswald LeWinter est entré dans les annales judiciaires américaines en se faisant prendre par le FBI au moment où il portait illégalement un uniforme du Corps des Marines, alors qu’il n’en était aucunement membre. Poète de la première heure, il remporta plusieurs prix littéraires et devint même professeur de psychologie à l’Université du Maryland. Mais avant cet épisode, il fut arrêté à Londres après s’être fait passer pour un diplomate américain. En 1984, il fut appréhendé cette fois par les autorités allemandes pour avoir été impliqué dans un réseau de trafic de méthamphétamine. En prison, il fit la rencontre du Tchèque Karl Koecher, qui le côtoiera une décennie plus tard dans la fameuse tentative d’extorsion à l’endroit de Mohammed Al-Fayed. Un an avant cette combine, LeWinter a surgi de nulle part en prétendant posséder de nouvelles preuves sur l’assassinat de John F. Kennedy. Personne ne l’a pris au sérieux.
Mythes et fausses rumeurs
La théorie du complot à l’endroit de Lady Diana a été relancée au moment où l’ancien majordome de la princesse, Paul Burrell, a prétendu qu’en 1993, Diana avait exprimé dans une lettre sa crainte d’être victime d’un attentat déguisé en accident. Sa mort, avait-elle écrit à l’époque, devait permettre au prince Charles de se marier avec sa maîtresse, Tiggy Legge-Bourke. À ce sujet, un ex-confident de Diana, le designer Roberto Devorik, a déclaré que l’ex-princesse lui avait confié un jour qu’elle craignait d’être la cible des hommes de main de la Cour royale.
Ces appréhensions n’étaient pourtant pas fondées, si l’on se fie à la dernière enquête britannique, pour laquelle aucune preuve n’a démontré que la famille royale ou les services de renseignements de Sa Majesté — qui ont pleinement coopéré à l’enquête — ont comploté en vue d’assassiner Lady Diana. Une conclusion appuyée par la soeur de celle-ci, Lady Sarah McCorquodale, qui a affirmé que l’ex-princesse n’avait jamais fait mention de quelque menace provenant de la famille royale ou du Prince Charles.
Diana était-elle enceinte? C’est ce qu’a prétendu Mohammed Al-Fayed, qui avait ajouté que son fils était sur le point de se marier avec son amoureuse. Une rumeur parmi tant d’autres a fait état d’échantillons prélevés sur le corps de Diana, lesquels auraient démontré un taux élevé de HCG, une hormone dont la quantité augmente chez les femmes enceintes. Une rumeur totalement inexacte, si l’on s’en rapporte une fois de plus à l’enquête de lord Stevens. Mohammed Al-Fayed a sûrement pris ses rêves pour des réalités, car des proches de l’ex-princesse sont unanimes à affirmer qu’elle n’avait jamais fait allusion à un tel mariage, encore moins à une supposée grossesse.
Henri Paul
Un auteur, Gordon Thomas, a révélé que le Mossad avait souhaité bénéficier des services d’Henri Paul, le fameux chauffeur du couple le soir de l’accident. Pour quelle raison? Parce que Paul était l’adjoint au chef de la sécurité de l’hôtel Ritz de Paris, un lieu de rencontre pour les trafiquants d’armes de l’ex-Union Soviétique. Thomas raconte qu’un agent opérationnel du Mossad se serait rendu à Paris afin de recruter le défunt chauffeur, non sans en avoir au préalable établi un « psychoprofil », après quoi le service israélien abandonna sa proie.
Ce désistement nous fait revenir aux conclusions des enquêtes françaises et britanniques. Car l’officier du Mossad avait pris quelques jours à observer le comportement d’Henri Paul et remarqué qu’il pouvait absorber une forte quantité d’alcool avec une telle aisance qu’il ne pouvait être considéré comme un actif potentiel et sérieux pour l’agence.
Cette dernière remarque nous amène à poser une question qui était au cœur de l’enquête sur le tragique accident : Henri Paul était-il réellement ivre le soir du 31 août 1997, comme les autorités françaises l’ont attesté? A priori, l’autopsie a démontré que durant les dernières heures de sa vie, Paul avait un taux d’alcoolémie trois fois supérieur à la limite légale. Des proches ont pourtant affirmé qu’il n’avait jamais montré de symptômes d’alcoolisme, et les parents du défunt ont été jusqu’à prétendre que les échantillons sanguins utilisés pour tester son taux d’alcoolémie n’étaient pas les siens, ce qu’ont nié les médecins légistes, auxquels des tests d’ADN leur ont donné raison.
Épilogue
Un des sujets de débats sur la mort de Lady Diana a été celui de l’ambulance qui avait transporté l’ex-princesse de Galles. Il s’est passé un peu plus d’une heure trente entre l’arrivée des ambulanciers sur les lieux de l’accident et le débarquement à l’hôpital Pitié-Salpêtrière. Une heure trente, alors que le trajet aurait normalement dû prendre, tout au plus, de 25 à 30 minutes. Certains ont vu là l’un des éléments clés du complot.
Mais la réalité est plus complexe. L’accident a eu lieu à 12h26, mais ce n’est qu’aux environs de 1h00 que les sapeurs-pompiers ont réussi à retirer Diana de la carcasse de la voiture, à l’heure où elle subissait un premier arrêt cardiaque. Et c’est à 1h42 que l’ambulance a pu quitter la scène de l’accident pour se diriger à l’hôpital La Pitié-Salpêtrière. Mais le docteur Jean-Marc Martino avait enjoint au chauffeur de l’ambulance de conduire lentement par crainte que les arrêts brusques et les accélérations n’aggravent l’état de santé de Diana. Un arrêt à la gare d’Austerlitz avait même été nécessaire pour prodiguer des soins à la princesse à la suite d’une chute de la pression sanguine.
Sources
BBC, CBS News,Hugues Mondrian,L’Express,The Independent,The Spectator,The Telegraph #1, #2, #3, #4 et #5, Vanity Fair, Wikipedia #1, #2, #3, #4 et #5