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Mafieux, usurier, ex-proche de Michael Jackson et de riches princes arabes, Alvin Malnik a une vie riche en péripéties.

C’était un fait notoire, à une certaine époque : traiter avec Alvin Malnik revenait à traiter avec le caïd Meyer Lansky. C’était du moins ce qu’avait déclaré le gangster Vincent Teresa aux enquêteurs de la State of New Jersey Casino Control Commission (NJCCC). Dans son rapport sur Malnik, qui voulait acquérir un casino à Atlantic City, la NJGC, sans le vouloir, a fait entrer ce dernier dans la légende. Encore aujourd’hui, l’homme d’affaires plus ou moins scrupuleux, maintenant octogénaire, traîne cette réputation avec lui.

L’homme de la mafia

Tout commence dans les années 60 lorsque Malnik est directeur de la Bank of World Commerce, des Bahamas, une véritable blanchisserie pour des membres de la pègre. Par le fait même, il est l’un des associés de Meyer Lansky dans le casino de Paradise Islands et dans Resorts International, également des Bahamas. Resorts International, c’est, à la fin des années 60, le nouveau nom donné à une société de Lansky, la Mary Carter Paint Company, propriétaire du Nassau Bay Club, à l’ouverture duquel le président Nixon, un homme aux bonnes relations, sera invité.

En 1969, Malnik investit dans le Cricket Club, une tour de 220 condos située à Miami, où on voit, entre autres personnages troublants, Barry Seal, un trafiquant de drogue qui deviendra informateur pour la Drug Enforcement Agency (DEA) américaine. Seal fera passer entre 3 et 5 milliards de dollars de drogue aux États-Unis, mais en parallèle, il recevra, selon ses dires, 800 000 par années à titre d’informateur. À ce moment, Malnik entretient des relations avec un autre personnage de grand renom : Sam Cohen, un preneur aux livres du clan Lansky qui sera écroué après avoir plaidé coupable d’avoir dissimulé des revenus de 36 millions du fameux hôtel Flamingo de Las Vegas.

En 1975, Malnik, en compagnie de Cohen et des fils de ce dernier, achète deux hôtels dans les montagnes Poconos, en Pennsylvanie : le Cove Haven Honeymoon Resort et le Paradise Streams Resort, qui appartiennent alors à Caesar’s World, propriétaire du Caesar’s Palace, également de Las Vegas. Pour ce marché, le groupe emprunte 15 millions $ aux Teamster’s. La transaction sera examinée de fond en comble par le Nevada Gaming Control Board, non parce qu’elle apparaît illégale au départ, mais parce que l’organisme n’ignore pas que Malnik et Cohen sont plongés dans le milieu mafieux. Aucun obstacle ne sera pourtant érigé à Caesar’s World pour clore le marché.

Malnik n’est pas, malgré tout, un gangster dans le plus pur sens du terme. On ne lui connaît aucun fait qui a débouché sur un acte violent. Si ce n’est qu’en 1982, sa Rolls Royce sera complètement détruite par une explosion dans le stationnement du Cricket Club. On ne saura jamais pourquoi on s’en est pris à lui, mais du fait de ses relations, il a pu avoir été l’objet d’un avertissement de la part d’un groupe criminel.

Alvin d’Arabie

À Genève, quelque part dans les années 80, Malnik se lie d’amitié avec un prince saoudien, Turki bin Abdul Aziz, et sa couvée. Celui-ci avait épousé, en 1973, la belle Hind al-Fassi, une Marocaine de 20 ans, malgré les objections de sa famille. Pendant neuf ans, le couple mena un train de vie fastueux en parcourant le monde avec la mère, la sœur et les frères de la jeune femme. Puis à la demande d’Alvin Malnik, les Al-Fassi/Abdul Aziz s’installent dans le condominium de Miami, le Cricket Club.

Malnik charme le couple princier avec son image de multimillionnaire fringant et aventureux. Peut-être l’engouement des deux tourtereaux vient-il du fait que leur nouveau compagnon est plus riche qu’eux. Toujours est-il que ce dernier réussit progressivement à prendre le contrôle des finances du prince Turki. Et c’est ici que les choses se corsent.

Mohammed al-Fassi, l’un des frères de Hind, devient jaloux du pouvoir qu’exerce Malnik au sein de la famille. Il décide donc de s’éloigner du cercle familial et part en Turquie pour adopter un jeune garçon, non sans mettre à la porte sa petite amie italienne pour épouser une autre femme. Tarek, l’autre frère de Hind, kidnappe une jeune Saoudienne dans une discothèque londonienne et offre de l’argent à son mari pour qu’il divorce. Le fils de Malnik, Mark, tombe quant à lui amoureux de la sœur de Hind. Bref, un beau mélange d’intrigues dignes d’un roman-savon. Mais l’histoire ne s’arrête pas là.

Car avec le temps, des articles de journaux font allusion à de mauvais traitements infligés aux domestiques du couple royal. Certains d’entre eux sont forcés de travailler 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 et à des salaires de crève-faim. Ils ne peuvent, au surplus, quitter la maison, puisque tout contact avec l’extérieur leur est interdit. Finalement, un mandat d’arrêt est lancé à l’encontre des Al-Fassi/Abdul Aziz et une douzaine de policiers sont dépêchés au condo de Miami pour appréhender un peu tout le monde. Poursuites et contre-poursuites plus tard, on ordonnera aux Saoudiens de quitter les États-Unis.

L’homme des vedettes

Malnik fréquente depuis longtemps le gratin artistique des États-Unis. Et l’un des membres éminents de ce club sélect le nommera exécuteur testamentaire : Michael Jackson. Pour Jackson, sa rencontre avec Malnik tombe plutôt bien, car ses finances sont à plat. C’est que l’artiste traîne une dette de plus de 200 millions sans qu’il fasse quoi que ce soit pour y remédier. Cette dette, il la doit en grande partie à la Bank of America et à la compagnie Sony.

Ambitionnant autrefois de devenir un grand investisseur, Jackson acquiert en 1984 la compagnie ATV Music au prix de 47,5 millions de dollars. Dix ans plus tard, au moment où il connaît ses premières difficultés financières, il entre dans un partenariat avec Sony pour fusionner le catalogue des deux entreprises, Sony et ATV, un partenariat dans lequel la multinationale japonaise débourse 95 millions pour les droits de publication. Puis en 2001, le chanteur offre en garantie la moitié de ses actifs dans ATV pour emprunter 200 millions à la Bank of America. Cet emprunt est symbolique du train de vie qu’il mène, lui qui, à cette époque, dépense beaucoup plus qu’il ne gagne en revenus.

À ce stade, des hommes d’affaires associés à Alvin Malnik s’activent à sortir Jackson de l’impasse. On dit qu’ils rembourseront 70 millions de la dette qu’il a contractée. On est loin du compte, mais c’est un début. Cependant, les déboires du chanteur sont guère terminés. Le cheikh Abdullah bin Hamed bin Isa al-Khalifa, l’un des fils du roi du Bahreïn, le poursuit pour 7 millions. C’est à peu de choses près le montant qu’il lui avait remis pour qu’il puisse publier une biographie et enregistrer un album, ce qui ne sera jamais fait. Puis en mars 2008, Jackson est confronté à une saisie de son ranch Neverland, dont il ne peut plus rembourser l’hypothèque, comme c’est aussi le cas d’une maison à Los Angeles dont il avait fait l’acquisition pour sa famille.

Pendant tout ce temps, Malnik conseille la pop-star, mais celle-ci se rapproche petit à petit du mouvement Nation of Islam, qui tente de l’isoler. Au surplus, le chanteur accuse son bienfaiteur de vouloir lui ravir le catalogue ATV. La rupture est consommée.

Depuis que Malnik fait valser les millions, il se retrouve fréquemment en compagnie de personnalités politiques et artistiques. Et ce, peu importe qu’il danse à la même table que les mafieux. Avocat de Sammy Davis Jr. dans les années 60, il est souvent vu aux côtés de célébrités telles que Benjamin Bratt, Harvey Keitel et Salma Hayek, qui fréquentent sa villa de Miami.

En 1968, Malnik achète le prestigieux restaurant The Forge, alors en état de décrépitude. Après sa réouverture, qui suit des mois de rénovations, on y voit régulièrement Frank Sinatra, Richard Burton et Judy Garland. Richard Nixon et Meyer Lansky, évidemment, seront des clients réguliers du restaurant. The Forge entrera dans les annales en 1977 quand le gendre de Lansky, Richard Schwartz, commettra un meurtre au deuxième étage du restaurant. Schwartz lui-même sera assassiné trois mois plus tard derrière un autre restaurant. Les temps sont durs.

Quand Malnik convole en justes noces avec Nancy Gresham, en 1995, la liste des invités du mariage est si impressionnante qu’elle pourrait faire rougir même le prince Charles. Arnold Schwarzenegger, l’actrice Debra Winger, le magnat de l’immobilier Hank Sopher, l’homme d’affaires Russell Simmons, Darian Iacocca, l’épouse de l’ancien président de Chrysler, Lee Iacocca, Paul Pope, le fils de Generoso Pope, ex-propriétaire du magazine The National Enquirer, l’ex-PDG du Caesar’s Palace Clifford Perlman et enfin l’acteur Gianni Russo sont parmi ceux qui ne dédaignent pas de se retrouver en compagnie d’un homme aussi peu porté sur les conventions.

L’usurier

Cet homme peu porté sur les conventions possède une firme dont les méthodes sont jugées non conformes à la morale. Title Loans of America prête de l’argent à des taux qui frisent parfois les 300 %. C’est ce que l’on appelle, dans le jargon des affaires, le prêt usuraire légalisé. Title Loans a été fondée en 1993 par Alvin Malnik en partenariat avec Kenneth Lee Partiss et Rod Aycox. Encore une fois, Malnik n’a pu s’empêcher de s’acoquiner avec des personnages aux méthodes contestables. Le coupable : Rod Aycox.

Aycox quittera Title Loans en 1998 pour fonder Select Management Resources, qui exploite des noms tels qu’Atlanta Title Loans, LoanMax et North American Title Loans. Ici encore, on nage dans les mêmes eaux troubles, puisqu’il n’est pas rare que LoanMax offre des taux d’intérêt usuraires sur des emprunts grimpant jusqu’à 420 %, ce qui lui vaudra des poursuites du procureur du District de Columbia.

Aycox, d’ailleurs, a souvent maille à partir avec la justice américaine. Un de ses employés a dû répondre à des accusations de meurtre après avoir tué un emprunteur qui ne voulait pas céder son véhicule. Aux dernières nouvelles, le PDG de Select Management Resources possède deux jets privés et une villa dont la valeur est estimée à un million et demi de dollars. 


Sources

Billboard, Fox News, Media Mayhem, New York Times, Preyday Lenders, South Beach Magazine, Spitfirelist, Wikipedia


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