Des milliards provenant des poches des contribuables québécois ont été investis dans des projets controversés.
On s’attendrait d’une institution financière gérée par un gouvernement qu’elle donne l’exemple en évitant d’injecter des fonds dans des entreprises spécialisées dans l’évasion fiscale. C’est pourtant tout le contraire de ce que fait la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), le « bas de laine » des Québécois. Mais la CDPQ traîne d’autres dossiers encore plus obscurs, et le premier qui nous intéresse aurait dû depuis longtemps provoquer une crise au sein de l’institution.
Du capital dans des compagnies sanctionnées par les États-Unis
La CDPQ a investi dans pas moins de 18 entreprises chinoises sanctionnées par les États-Unis pour violation des droits de la personne ou pour des problèmes liés à la sécurité nationale. Ces investissements avaient fait l’objet d’un reportage au réseau TVA en 2019. À l’époque, la Caisse détenait 277 millions dans une quinzaine de ces compagnies sanctionnées par Washington.
Loin d’avoir appris de ses erreurs, la CDPQ détient aujourd’hui 342 millions de dollars d’actifs dans 18 entreprises que le gouvernement américain ne porte pas dans son coeur. La plus importante participation se rapporte à China Mobile, le premier opérateur mobile au monde, dans lequel la Caisse a injecté 248,5 millions, selon son rapport annuel. China Mobile figure sur la liste des sanctions imposées par les États-Unis.
La CDPQ possède par ailleurs 103 720 actions d’une valeur de 28,6 M$ dans le moteur de recherche Baïdu, cité dans un rapport de Human Rights Watch sur les entreprises actives dans le Xinjiang. La minorité ouïghoure de la province autonome du Xinjiang subit l’oppression du gouvernement chinois depuis au moins 2017.
La Caisse détient également 4 583 408 d’actions d’une valeur de 69,9 millions dans AVIC Jonhon Optronic Technology, dont le champ d’expertise couvre des domaines très stratégiques comme l’aérospatiale, la défense et la fabrication.
Le barrage Hidroituango
En novembre 2019, une militante colombienne, Isabel Zuleta, était de passage à l’Assemblée nationale à l’invitation de Québec solidaire pour dénoncer la CDPQ. L’épicentre du problème : le barrage Hidroituango, pour lequel l’institution financière a consenti un prêt de 313 millions de dollars à l’entreprise au coeur de la construction du projet, Empresas Publicas de Medellín (EPM).
Hidroituango est le projet hydroélectrique le plus important de Colombie, dans le canyon du Cauca. « Sa construction initiée en 2010 devait entrer en fonctionnement à la fin de l’année 2018 », dixit Le Parisien. Quatre ans plus tard, ce projet de haute voltige n’est toujours pas achevé. Au fil du temps, de nombreux vices de construction ont obligé l’évacuation de plus de 6 000 personnes et de nombreuses maisons ont été dévastées. La police, l’armée, la Croix-Rouge et les pompiers ont été mobilisés à quelques reprises.
Mais gare à ceux qui se dressent contre Hidroituango : menaces, attaques, intimidation; des opposants ont même été victimes de meurtre. Après tout, on est en Colombie. Isabel Zuleta parle de dizaines de massacres qui se seraient produits avant même le début des travaux.
Et que fait la CDPQ? Selon Radio-Canada, « le groupe de prêteurs dont fait partie la Caisse suit la situation de près et est en contact avec l’entreprise responsable du projet ».
Du capital dans les paradis ensoleillés
Le Journal de Montréal (JdM) rapportait en novembre 2021 que la CDPQ avait « investi plus de 35 millions de dollars américains dans des fonds enregistrés ici de la firme White Star Capital, active dans le paradis fiscal de Guernesey ». En fait, « la Caisse, Investissement Québec et le Fonds de solidarité FTQ ont […] investi ensemble plus de 112 millions dans des fonds de White Star », une entreprise québécoise qui fait un pied de nez à son propre gouvernement-mécène.
Mais il n’y a pas que White Star. Toujours selon Le Journal de Montréal, la CDPQ posséderait des actifs de 24,3 milliards aux Bermudes, aux îles Caïmans, à Guernesey, aux Îles Vierges britanniques, à Jersey et au Luxembourg. Et encore, « pour les titres cotés, la CDPQ choisit d’inclure dans sa liste uniquement les investissements qui ont un taux effectif d’impôts de moins de 15 % », nous avertissait le JdM.
Personne n’a encore tenté de faire le calcul : 24,3 milliards dans des entreprises qui se soustraient à l’impôt québécois. Combien de pertes cela représente-t-il pour le Québec?
Une firme de sécurité privée aux méthodes discutables
Voici un autre investissement ténébreux : 1,5 milliard dans Allied Universal. Qu’est-ce qu’Allied Universal? « La plus grande société américaine de services de sécurité, avec ses 8 milliards US de revenus annuels », rapportait cette fois La Presse dans son édition du 20 juin 2020.
Or, ce journal, citant l’émission radiophonique This American Life, révélait que les pratiques condamnables de la firme de sécurité privée avaient donné lieu à 11 poursuites uniquement à l’aéroport JFK, à New York, en raison du comportement agressif de ses gardiens. Des poursuites « qu’Allied a réglées à l’amiable en échange du silence des plaignantes dans la majorité des cas ».
Ailleurs, Allied a été accusée d’avoir passé à tabac un homme du nom de Raverro Stinnett dans une gare de Denver, au Colorado. Un employé de la firme a également molesté un sans-abri en 2016, un acte qui n’est pas passé inaperçu grâce à une vidéo de surveillance.
Sources
Caisse de dépôt et placement du Québec, La Presse, Le Journal de Montréal #1 et #2, Le Journal de Québec, Le Parisien, Radio-Canada, TVA, Twitter