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Les trésors ont toujours marqué l’imaginaire collectif, et certains croient que l’un d’eux est enterré ici même, au Canada.

Franklin D. Roosevelt en a été fasciné, tout comme John Wayne et Errol Flynn. Petite, mais mystérieuse, elle fait l’objet de spéculations depuis un peu plus de deux siècles, spéculations auxquelles se sont livrés auteurs, journalistes et soi-disant chasseurs de trésors qui n’ont eu de cesse d’alimenter les esprits crédules avec toutes sortes de théories farfelues. Bienvenue à Oak Island, ou l’Île aux Chênes, pour les puristes de la langue. Vous y découvrirez un trésor légendaire, enfoui dans les vestiges d’une imagination fertile.

Le Money Pit

Toute cette histoire de trésor n’aurait jamais fait surface sans lui. Le fameux Money Pit, comme on l’appelle, est un trou profond découvert en 1795 à l’extrémité sud d’une île du nom d’Oak Island, située en Nouvelle-Écosse, par un certain Daniel McGinnis. Avec l’aide de quelques amis, McGinnis, en creusant, s’est heurté à une couche de pierres, des flagstones, pour ainsi dire. C’est à ce moment que la légende est née. En creusant plus profondément, il est tombé sur trois plateformes de bois superposées, chacune à trois mètres de distance. Mais faute de moyens, il a dû abandonner les excavations à seulement neuf mètres de profondeur.

La rumeur sur la présence du Money Pit s’est alors répandue à des kilomètres à la ronde. Voilà pourquoi en 1803, The Onslow Company, une entreprise sortie de nulle part, a poursuivi les recherches et creusé jusqu’à 27 mètres de profondeur, grâce à des outils plus sophistiqués. Et si elle n’a jamais réussi à percer le mystère, elle est néanmoins parvenue à l’éclaircir, du moins en apparence.

D’abord parce qu’elle est tombée, elle aussi, sur des plateformes de bois superposés de façon régulière, comme si quelqu’un les avait aménagées dans le puits. Ensuite parce qu’elle a fait la découverte d’un objet en apparence banal, mais qui a suscité beaucoup d’intérêt. Il s’agit d’une pierre enfouie à 25 mètres sur laquelle était gravée une inscription tout ce qu’il y a de plus énigmatique : « Quarante pieds au-dessous, deux millions de livres [sterling] sont enterrés ». Cette pierre, personne, à l’ère moderne, ne l’a vue. Aucun artefact, aucune photographie n’ont pu prouver son existence. Elle reste donc du domaine de la légende, mais dans les cercles réservés aux « initiés », on préfère encore y croire. Pourquoi s’en priver?

On creuse et on creuse…

Au dix-neuvième siècle, des excavations, il y en a eu à foison. Et elles avaient toutes un point en commun : bien que toujours plus profondes, elles n’ont strictement rien révélé. Elles ont malheureusement fait un mort, en 1861, durant les travaux effectués par la Oak Island Association. Il y en aura six en tout.

Au vingtième siècle, rien de nouveau sous le soleil. Autres excavations, autres frustrations, si ce n’est qu’en 1931, un certain William Chappell a découvert quelques artefacts. Parmi ceux-là : une vieille hache, un morceau d’ancre et un pic; bref, rien pour enrichir notre homme. Par la suite, un Américain, Gilbert Hedden, a pris la relève. Comme les autres avant lui, Hedden a procédé à de multiples excavations, mais l’une d’elles avait ceci de particulier qu’elle a dévoilé une pierre, une autre, quelque peu insolite. Une pierre qui serait, dit-on, originaire de la franc-maçonnerie et dont, pour notre bonheur, des photographies existent. Que montrent-elles? La lettre H, suivie du symbole +, lui-même suivi de la lettre O. H + O, un symbole maçonnique. Il faudrait qu’on nous explique.

Au cours des années 60, de nouvelles recherches ont fait quatre morts, mais cela n’a pas empêché la poursuite des travaux. Aujourd’hui, l’île est devenue propriété privée, le gros appartenant aux frères Rick et Marty Lagina, du Michigan. Les Lagina n’ont toujours pas trouvé trace d’un quelconque trésor, mais ils ont réussi à faire une machine à profit de cette île minuscule grâce à une série télévisée, The Curse of Oak Island, qui se poursuit depuis 2014.

Les théories

On le sait, les pirates attirent les légendes de trésor. Deux de ceux-là sont parmi les plus célèbres : le Capitaine Kidd et Barbe noire. Que dire sur les rumeurs qui les lient à Oak Island? Absolument rien. Que du vent, que de vaines paroles. Passons à un autre appel.

Un trésor de pirates, peut-être pas, mais un trésor provenant de la Forteresse de Louisbourg, pourquoi pas. C’est ce qu’avance John Goodwin, un auteur qui prétend que les Français l’ont enterré sur l’île après la guerre de Sept ans (1756-1763). Sur quoi se base-t-il? On vous le laisse deviner. Spéculations…

Restons un moment avec nos amis français. Cette fois, c’est Marie-Antoinette qui est au-devant de la scène. Une autre histoire qui manque cruellement de sources, mais qui vaut quand même la peine qu’on y consacre quelques lignes. Durant la Révolution française, l’ex-reine, sentant la soupe chaude, aurait demandé à l’une de ses servantes de fuir avec ses biens les plus précieux. Secondée par des officiers de l’armée navale française, la servante en question se serait rendue à Londres, emportant bijoux, œuvres d’art et autres trésors inestimables. De Londres, la dame aurait traversé l’Atlantique afin de gagner la Nouvelle-Écosse pour ensuite se rendre sur Oak Island. Là-bas, elle aurait fait creuser le Money Pit par les officiers qui l’accompagnaient. Lequel Money Pit, on l’a compris, devrait en principe receler les bijoux de Marie-Antoinette. Aucun document ne confirme toutefois ces assertions.

Penchons-nous maintenant sur deux sociétés occultes : les templiers et les francs-maçons, toujours au cœur de théories conspirationnistes.

En 1307, le roi de France Philippe IV le Bel décida de se débarrasser une fois pour toutes de la présence encombrante de l’ordre des Templiers. Il fit massacrer ses membres, mais l’un de leurs prétendus descendants, l’écossais Henry Ier Sinclair, comte d’Orkney, aurait réussi à sauver et à protéger leur trésor. Où l’a-t-il caché? Au Nouveau Monde, évidemment, pourtant jusque-là inconnu des Européens. Un auteur, Steven Sora, a dit posséder des preuves de la présence de Sinclair en Amérique, bien avant celle de Christophe Colomb. Le comte, on s’en serait douté, aurait fait une halte sur la petite île pour y enfouir le trésor, qui comptait deux saintes reliques : l’Arche d’alliance et le Saint Graal. Quelles sont les preuves de Sora? Il n’y en a aucune, en fait; qu’une vieille histoire fabriquée de toute pièce par un auteur dont le nom est oublié des dieux. Aucun des contemporains de Sinclair et aucun historien sérieux n’ont fait mention une seule fois d’un voyage outre-Atlantique du comte.

Concernant les francs-maçons, le sujet, avec la fameuse pierre de Gilbert Hedden, a été effleuré précédemment. Or, un dernier mystère a été évoqué par les partisans de la thèse maçonnique : une inscription gravée sur un rocher trouvé près du Money Pit. Le symbole? La lettre G, placée à l’intérieur d’un triangle. G, chez les franc-maçons, représente Dieu, le Grand Architecte de l’Univers. Mais à regarder de près la photographie, le G en question ressemble plus à un cercle imparfait. Quant au triangle, on imagine mal comment on a pu en arriver à le percevoir.

Les dernières « révélations »

De toute façon, oubliez tous ce que l’on vient d’écrire. Les francs-maçons, les Templiers et Marie-Antoinette n’ont rien à voir avec Oak Island. Une théorie beaucoup plus captivante vient de faire son apparition : la présence romaine.

Les Romains auraient effectivement accosté sur l’île pour y laisser un trésor, douze siècles avant Christophe Colomb. C’est ce que croit un « expert » de la première heure, J. Hutton Pulitzer. Et ce cher Pulitzer a une « preuve » à l’appui : une courte épée, peut-être un glaive, pense-t-il. Une épée découverte il y a près d’un siècle et préservée par une famille (dont il ne souhaite pas dévoiler le nom) de la Nouvelle-Écosse. Un membre de cette famille avait contacté notre homme, qui en a été émerveillé. Heureux, il a montré au monde entier sa précieuse trouvaille. Et pour étayer sa thèse, il s’est appuyé, en sus de l’épée, sur un élément « déterminant » : le Berberis Vulgaris, ou l’épine-vinette, présente sur l’île et dont Pulitzer croit qu’elle avait été apportée par les Romains qui s’en servaient pour combattre le scorbut.

Hutton Pulitzer n’est pas son vrai nom. Il est né Jeffrey Jovan Philyaw. Il n’a jamais expliqué pourquoi il a changé de nom, mais en scrutant un peu sa biographie, on en arrive à mieux comprendre le phénomène. Pulitzer a été, avant toute chose, un inventeur malheureux. En fait, il est surtout connu pour avoir mis au point ce que le magazine PC World a qualifié de pire produit de tous les temps et que le magazine Time a inscrit sur sa liste des 50 pires inventions, à savoir le Cue-Cat, un lecteur de codes-barres en forme de chat (?). Parmi les investisseurs qui ont essuyé des pertes dans ce bidule inutile figurent Coca-Cola et RadioShack; des pertes que l’on a estimées à 185 millions de dollars.

L’homme dit avoir écrit 300 livres. On n’en a pas trouvé un seul. Se proclamant chercheur expert du domaine médico-légal, il prétend posséder des brevets dans 189 pays; des brevets qui ont servi à créer des applications utilisées sur 12 milliards de téléphones portables (?). Des brevets, disons, introuvables…

Quant à sa fameuse épée, elle ne ressemble aucunement à un glaive romain. En réalité, on ne sait d’où elle vient, comme on ne sait si elle est authentique. Pour ce qui est de l’épine-vinette, ce sont les premiers Européens qui l’auraient apportée en sol américain et non des légionnaires de la grande Rome.

Et le trésor?

Sur Internet, les passionnés tomberont sur de nombreux autres articles qui décrivent le fumeux récit du trésor d’Oak Island. Je vous invite à lire ces articles si vous n’arrivez pas à vous endormir, car ils sont pour la plupart de puissants soporifiques. Toujours les mêmes rengaines : le trésor, il s’y trouve, c’est qu’on ne la pas encore trouvé, un point c’est tout. Les preuves? Pas besoin, du temps qu’on rêve. Bref, six décès, deux siècles de recherche et des millions plus tard, le trésor, malgré tout ce qu’on peut en dire, se fait bien discret.


Sources

Boston Standard, Committee for Skeptical Inquiry, Critical Enquiry, Jason ColavitoWikipedia #1#2 et #3


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