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Plusieurs pays ont mis sur pied des programmes de modification météorologique, mais leurs résultats demeurent peu concluants.

Il a neigé à Beijing en novembre 2009. Phénomène plutôt banal, mais ce qui l’a provoqué l’est moins. Car ce n’est pas en raison des caprices de Dame nature qu’il a neigé, mais parce que le gouvernement chinois l’avait décidé. Est-ce possible? En effet, quelques pays, dont la Chine, s’offrent le luxe de manipuler la météo, pour le meilleur et pour le pire.

La Chine y met la gomme

La Chine a créé un organe d’État, le Bureau des modifications météorologiques de Beijing, dont la tâche est de trouver un moyen de modifier la météo quand la nécessité se fait sentir. Justement, à l’époque où les flocons sont tombés sur la capitale, une grande partie du nord-est de la Chine était frappée par une sécheresse qui sévissait depuis près d’une décennie. Et le gouvernement s’était mis en tête de renverser cette tendance. Or, le sort a voulu que cette journée-là, Beijing connaisse une chute de neige plutôt qu’une averse. L’erreur est humaine.

Pour manipuler la météo, la Chine s’est tournée vers l’ensemencement des nuages, une pratique controversée qui consiste à lancer (ou à déposer) des produits chimiques dans les nuages afin de provoquer de la pluie. Dans la plupart des cas, il s’agit d’iodure d’argent, de sel, de chlorure de calcium ou de glace sèche. La Chine, comme la plupart des pays, emploie aujourd’hui l’iodure d’argent qui génère de la vapeur d’eau dans l’air, laquelle se cristallise. Le procédé aide donc essentiellement à fournir des « noyaux » supplémentaires autour desquels l’eau se condense. Le chlorure de calcium, lui, serait plus souvent utilisé dans les zones chaudes ou tropicales.

Bien qu’il soit généralement admis que ces techniques fonctionnent dans une certaine mesure, elles ne peuvent qu’augmenter les précipitations de 5 à 20 %. Le hic, c’est que ça ne marche pas à tout coup, et l’opération ne peut être exécutée que lorsqu’il y a apparence de pluie. En d’autres termes, on ne crée pas de pluie, on facilite et augmente les précipitations. Quand le ciel est bleu, on range tous les appareils. Pourtant, si l’on doit croire le gouvernement chinois, les résultats ne sont pas toujours dénués d’intérêt : les niveaux des bassins d’eau de Beijing auraient augmenté, d’après les données gouvernementales, de 13 % en raison de l’ensemencement des nuages. Propagande? Qui sait.

Mais le Bureau des modifications météorologiques de Beijing n’est pas qu’un « faiseur de pluie ». Pour la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques d’été qui se déroulait dans la capitale le 8 août 2008, le gouvernement avait promis un ciel bleu, et ce fut chose faite. Par quel subterfuge? Par le lancement de 1 104 roquettes de dispersion de nuages à partir de 21 sites de la ville. Pour un programme qui coûte, bon an mal an, de 60 à 90 millions de dollars, il doit bien en valoir la peine.

De piètres résultats aux États-Unis

Actuellement, 24 pays pratiquent l’ensemencement des nuages, dont évidemment la Chine, mais aussi la Russie, le Canada, les États-Unis, l’Australie, l’Italie et le Brésil. Même quelques pays africains y ont recours, entre autres le Maroc et le Burkina Faso. 

Au Canada, dans la province de l’Alberta surtout, on utilise cette technique pour faire « crever » des nuages avant que la grêle ne tombe, afin de préserver les récoltes. Pas le choix, car le canon anti-grêle n’a pas prouvé son efficacité. Là-bas, les firmes d’assurance déboursent en moyenne 3 millions de dollars par année pour atténuer l’impact des tempêtes de grêle.

Aux États-Unis, les recherches sur le contrôle météorologique ont débuté en 1946. L’ensemencement des nuages a été tenté pour la première fois à cette époque par Vincent Schaefer et Irving Langmuir. Schaefer avait découvert que lorsqu’il lançait des cristaux de glace sèche dans un nuage, il en résultait des précipitations sous forme de neige. L’une de ses expériences aurait d’ailleurs causé une forte tempête de neige le 20 décembre 1946, selon le récit.

Schaefer et Langmuir ont plus tard travaillé avec les militaires dans le cadre du Projet Cirrus, la première grande étude sur la physique des nuages et la modification du temps. L’un des principaux objectifs du Projet Cirrus était de diminuer la force des ouragans.

L’hypothèse était que l’iodure d’argent provoquerait une congélation de l’eau présente dans la tempête, perturbant la structure intérieure de l’ouragan. Le projet a été un désastre, mais cela n’a pas empêché les Américains de tenter le coup à nouveau des années plus tard. Le 16 septembre 1961, huit cylindres d’iodure d’argent ont été déposés dans l’œil de l’ouragan Esther. Résultats : les vents ont été affaiblis de 10 %. Le lendemain, d’autres vols d’ensemencement ont été effectués, cette fois sans succès. En 1962, Washington mettait sur pied le Projet Stormfury, qui dura jusqu’en 1983. À ce moment, les Américains, en raison des résultats mitigés, ont dû abandonner l’idée d’affaiblir les ouragans, à leur grand désarroi, le pays n’étant pas épargné par ces phénomènes.

En 2003, la United States National Academy of Sciences avouait que des décennies d’études n’avaient pas produit de preuves convaincantes sur l’efficacité de la manipulation météorologique. Le fédéral a donc suspendu le financement du programme, laissant à chaque État le soin de payer la facture.

La Russie n’est pas en reste

Comme le Canada, la Russie est un pays de récoltes. Bien sûr, on y veut de la pluie, mais, comme en Alberta, on veut aussi atténuer l’impact des tempêtes de grêle. Et les expériences dans ce domaine se seraient avérées un succès, à en croire les autorités. Le procédé implique l’introduction de noyaux de glace dans des nuages de grêle au moyen de tirs d’artillerie ou de roquettes. On fait donc la guerre à la grêle, sans jeu de mots. Et comme les Chinois, les Russes se sont permis de disperser des nuages, même de stopper la pluie. C’est ce qui est arrivé le 23 octobre 2009 à Moscou.

Sceptiques? Les scientifiques aussi. Pointée vers le ciel, l’installation russe crée un puissant flux vertical d’ions d’atomes d’oxygène, chargés négativement. Ces ions entrent en interaction avec l’humidité atmosphérique, ce qui a pour effet qu’ils s’associent aux molécules d’eau. De l’énergie se dégage ensuite de cet ensemble, provoquant une élévation de la température qui permet la dispersion des nuages. Mais selon Lioudmila Krasnokoutskaya, secrétaire scientifique à l’Institut de physique de l’atmosphère de l’Académie des sciences russe, tout cela serait de la frime. Un appareillage aussi limité ne peut agir sur les puissants processus atmosphériques, a tenu à préciser Krasnokoutskaya. 

La géo-ingénierie

Ici, on est dans un tout autre registre. La géo-ingénierie, ou, pour être plus simple, la modification du climat, est un processus qui s’échelonne sur une longue période. Aucun véritable projet de géo-ingénierie n’a eu lieu à ce jour. Presque toutes les recherches se sont limitées à des modélisations informatiques ou à des tests de laboratoire. Certains projets de plantation d’arbres sont déjà en cours. La fertilisation des océans par le fer a fait l’objet de recherche à petite échelle. Mais la plupart des experts conseillent de ne pas compter sur les techniques de géo-ingénierie comme solution simple aux changements climatiques, en partie en raison des grandes incertitudes quant à leur efficacité, à leurs coûts et à leurs effets secondaires. Et en quoi justement consisteraient ces solutions?

On pourrait amoindrir l’impact des changements climatiques par, entre autres, la réduction de l’intensité de la lumière solaire. Par exemple, en déviant la lumière du soleil ou en augmentant la réflectivité (l’albédo) de l’atmosphère ou de la surface de la Terre.

Une technique intrigante et digne des films de science-fiction : le « parasol spatial », qui bloquerait une partie du rayonnement solaire à l’aide, entre autres choses, de miroirs spatiaux ou encore de poussière d’astéroïdes. Mais on s’égare…


Sources

Bulletins électroniques, CBC, Encyclopaedia Britannica, How Stuff Works, Popular Science, The Truth Denied, Wikipedia #1#2 et #3


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