« Notre idée est terrifiante », déclarait l’une des collaboratrices du projet ScoPEx, Lizzie Burns; elle avait raison.
Le 9 juin 1991, sur l’île de Luçon, aux Philippines, le mont Pinatubo entrait en éruption après plus de 600 ans d’inactivité. Les conséquences de cet événement ont été catastrophiques : 850 morts, 8 000 maisons détruites.
Dans les jours qui suivirent, un panache de cendres, de fumée et d’acide sulfurique s’éleva à 35 kilomètres d’altitude, provoquant un dérèglement climatique. L’acide sulfurique absorba le rayonnement solaire, entraînant une diminution de la luminosité de l’ordre de 10 % à la surface de la Terre, laquelle perdit autour de 0,5 degré Celsius.
Malgré les bouleversements engendrés par ce phénomène, une idée germa dans la tête de certains scientifiques à l’époque : et si cette éruption nous servait de modèle pour freiner le réchauffement climatique?
« Notre idée est terrifiante »
Son nom : ScoPex, pour Stratospheric Controlled Perturbation Experiment. Les fous qui ont mis ce projet au monde : Lizzie Burns et David Keith, entre autres, tous deux du Harvard Project. Leur principal bailleur de fonds : Bill Gates.
En quoi consiste le fameux projet, au juste? Simple : il s’agit de pulvériser de fines particules dans la stratosphère pour affaiblir les rayons de soleil dans le but évident de refroidir la planète.
Lizzie Burns, dans un moment de lucidité, l’a admis sans concession : « Notre idée est terrifiante […] mais les changements climatiques le sont aussi ». Oui, l’idée est terrifiante, car les risques sont élevés. Ils le sont parce qu’il n’est pas possible de changer la température dans une partie du monde sans perturber l’autre monde.
Parmi les risques : des températures plus froides dans certains pays, des pluies abondantes ailleurs, possible baisse du niveau des océans, ralentissement de la croissance des arbres. C’est d’ailleurs ce qui s’était produit au Québec à la suite de l’éruption du Pinatubo, d’après ce que rapporte Radio-Canada.
Cette éruption a aussi eu un effet dévastateur sur la couche d’ozone. Dans les zones tempérées, les niveaux d’ozone ont atteint un minimum historique alors que dans l’hémisphère Sud, le trou dans la couche d’ozone au-dessus de l’Antarctique a atteint la plus grande taille jamais observée.
Dans les régions septentrionales, les pluies diluviennes ont bousillé les étés des travailleurs qui ne souhaitent qu’une chose : profiter de leurs vacances pour se prélasser au soleil. Un soleil qui s’est fait beaucoup plus rare en 1992.
Un projet qui dérange
Les risques associés à ce projet de géo-ingénierie, Janos Pasztor les connaît bien puisqu’il est l’un des plus grands experts mondiaux du climat. Il avait d’ailleurs participé aux négociations sur l’accord de Paris. Pour Pasztor, ces risques « peuvent poser des défis […] plus importants à la société mondiale que les changements climatiques » eux-mêmes.
La technologie dont il est question chez le Harvard Project pourrait même déclencher des conflits. Car, comme on l’a vu, ce qui est bon pour un pays ne l’est pas forcément pour son voisin. Provoquer de la pluie parce que l’on fait face à une sécheresse historique peut irriter les habitants et gouvernements des territoires à proximité.
Janos Pasztor n’est pas le seul qui s’inquiète des intentions des scientifiques de Harvard. L’écologiste Niclas Hällström, directeur du groupe de réflexion suédois WhatNext, croit que ScoPEx pourrait donner l’impression que l’utilisation continue des combustibles fossiles est possible.
Ce ScoPEx, en principe, violerait un moratoire international datant de 2010 sur la géo-ingénierie en vertu de la Convention des Nations Unies sur la biodiversité. Ce moratoire est toutefois non contraignant et accorde certaines dérogations pour les études de recherche scientifique à petite échelle.
Moratoire ou non, les travaux vont bon train, et pas seulement à Harvard : environ 300 ballons stratosphériques ont été lancés dans le monde par diverses équipes en 2019 pour faire avancer la recherche en ce domaine. Si tout se passe bien, le Harvard Project pense être en mesure de libérer jusqu’à 2 kilos de poussière de carbonate de calcium non toxique dans l’atmosphère d’ici le printemps 2022.
La formule de circonstances pour les prochains étés : bonne chance.
Sources
Daily Mail, Newspunch, Radio-Canada, Reuters, Wikipedia
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