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Le Régiment Azov a profité des fonds et de l’entraînement des Américains, et peut-être même de l’OTAN.

En surface, l’Amérique aime se faire l’apôtre de la vertu sur l’échiquier international, mais en coulisses, elle appuie des groupes extrémistes dont certains dans le passé lui ont tourné le dos pour mieux l’attaquer de front. En 2015, cette même Amérique s’est mise à appuyer secrètement des forces en Ukraine pour que le pays soit mieux préparé à une invasion de la Russie. Or, parmi ces forces figure une organisation d’extrême droite qui adhère au néonazisme : le Régiment Azov.

Force est d’admettre que l’énergie et les fonds investis n’ont pas été d’une grande utilité ces derniers jours. Or, il reste qu’entre 2014 et 2016 seulement, les États-Unis ont fourni un peu plus de 2,7 milliards de dollars à l’Ukraine pour son système de défense, une aide qui excluait au départ le Régiment Azov. Les choses ont cependant changé en janvier 2016 lorsque le Pentagone a fait pression sur le Congrès pour que le groupe d’extrême droite puisse profiter des largesses américaines.

Car le Régiment Azov, disait-on dans les couloirs de l’établissement militaire, s’était montré jusque-là efficace dans la lutte contre les séparatistes russes, ce pour quoi il a été intégré au sein de la Garde nationale de l’Ukraine en 2014, malgré son penchant extrémiste. Depuis lors, la milice se rapporte directement au ministère de l’Intérieur de l’Ukraine.

À l’été 2015, un sergent du Régiment, Ivan Kharkiv, s’était vanté au média The Daily Beast que ses troupes étaient formées par des entraîneurs et des volontaires américains. Il avait aussi fait allusion à l’assistance d’autres pays, que le Daily Beast n’avait toutefois pas nommés. Par contre, le magazine Jacobin a rapporté en janvier dernier que des responsables militaires de l’OTAN avaient été photographiés en compagnie de certains des commandants du Régiment Azov. Peut-être que les dirigeants du traité de l’Atlantique Nord ignoraient que l’un de ces commandants avait déjà déclaré que la « mission historique » de l’Ukraine était de « mener les races blanches du monde dans une dernière croisade pour leur survie ».

Aux États-Unis, cette proximité entre le Régiment Azov et le Pentagone a probablement alerté le FBI puisque, dans une déclaration de 2018, celui-ci avait noté que la milice « avait participé à la formation et à la radicalisation d’organisations de suprématie blanche basées aux États-Unis ». Trois administrations, donc – Obama, Trump et Biden –, ont appuyé une organisation d’extrême droite en Ukraine au même moment où elles disaient combattre ses semblables aux États-Unis.

À ce sujet d’ailleurs, les démocrates de Joe Biden n’ont cessé de qualifier Donald Trump de suppôt de l’extrême droite, alors que, l’an dernier, les États-Unis ont été l’un des deux seuls pays (l’autre étant l’Ukraine) à voter contre un projet de résolution de l’ONU visant à lutter « contre la glorification du nazisme, du néonazisme et d’autres pratiques qui contribuent à alimenter les formes contemporaines de racisme ». Un vote qui, évidemment, était passé inaperçu dans les médias complaisants à l’endroit de Biden. L’ironie est que Vladimir Poutine lui-même en a appelé à la « dénazification » de l’Ukraine.

Il est vrai que l’extrême droite connaît un certain succès dans ce pays de l’Europe de l’Est. Selon le journal The Nation, qui cite le Jerusalem Post, le parti néonazi Svoboda avait remporté 10 % des voix à Kiev et s’était classé deuxième à Lviv lors des élections municipales ukrainiennes tenues en octobre 2015. Pendant ce temps, Radio Free Europe/Radio Liberty révélait que le Régiment Azov dirigeait un camp d’entraînement qui exposait des enfants à l’idéologie d’extrême droite.

L’hypocrisie n’est toutefois pas le seul apanage de la Maison-Blanche et du Pentagone. D’après le média en ligne The Intercept, Facebook a décidé de permettre temporairement à ses milliards d’utilisateurs de faire l’éloge du Régiment Azov, et ce même si ces miliciens défilent en portant des uniformes aux couleurs du Troisième Reich. Facebook a fait ce choix éditorial parce que la milice joue un rôle clé dans la défense de l’Ukraine contre les forces russes, a-t-on déclaré de ce côté. Le réseau social a cependant précisé qu’Azov ne pouvait utiliser la plateforme à des fins de recrutement ou pour publier des messages.


Sources

Combating Terrorism Center, Jacobin, The Daily Beast, The Intercept, The Nation

 

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