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On doit aux Français la création de l’Institut de virologie de Wuhan, que certains croient être à l’origine du COVID-19.

Peu de gens le savent, mais c’est grâce à la collaboration de la France que l’Institut de virologie de Wuhan (IVW) a vu le jour. On peut dire sans trop se tromper que l’IVW, c’était un peu le bébé du duo Chirac-Raffarin. Au cours des années 2000, des pharmaceutiques françaises ont fait la file pour profiter du marché chinois, pour le meilleur et pour le pire.

Alain Mérieux, l’homme de tous les instants

Parmi ces pharmaceutiques figure, à l’avant-scène, bioMérieux. Une photographie datant du 18 décembre 2018 d’Alain Mérieux, le principal actionnaire de la société, circule sur le Net, où on le voit recevoir le Reform Friendship Award au Grand Palais du Peuple, à Pékin, en présence du président chinois Xi Jinping. Ce prix n’a rien de banal; il s’inscrit dans la relation de longue date que la famille Mérieux et ses sociétés ont bâtie avec la Chine au cours des 40 dernières années. Alain Mérieux a d’ailleurs été coprésident du Comité franco-chinois sur les maladies infectieuses émergentes, aux côtés du ministre chinois de la Santé, le professeur Chen Zhu.

Surtout, l’homme d’affaires a joué un rôle déterminant dans la création du laboratoire de haute sécurité à Wuhan. Tout a commencé en 2003 lorsque l’Académie des Sciences de la Chine sollicita la France pour qu’elle l’assiste dans la conception d’un laboratoire de recherche de haute sécurité. La Chine venait de perdre la face avec l’épidémie mortelle de SRAS. Des critiques, dont l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’avaient accusée d’avoir tardé à alerter le monde sur l’émergence de l’épidémie. C’était avant l’ère Jinping, mais les choses n’ont guère changé depuis.

Le premier ministre de l’époque, Jean-Pierre Raffarin, et le président Jacques Chirac ne cachaient pas leur enthousiasme face à ce projet, une manne pour l’économie française. Les parties réunies ont alors convenu que des techniciens français allaient superviser les travaux. Puis un coup la construction du labo terminée, une cinquantaine de chercheurs français devaient travailler sur place avec leurs homologues chinois, histoire de veiller à ce que tout se passe à merveille.

L’accord a été concocté à la hâte et signé par les deux parties à Pékin le 9 octobre 2004. Le lieu choisi pour l’emplacement du laboratoire était le quartier Zhengdian de Wuhan, la ville la plus francophile de la Chine, dit-on. En 2008, un comité de supervision fut créé, à la tête duquel figuraient Alain Mérieux et le docteur Chen Zhu. En 2010, l’administration Sarkozy annonça à l’OMS que les travaux allaient enfin commencer.

Sur papier, tout paraissait réglo, mais ce n’était, comme on va le voir, qu’un mirage.

Les services secrets avaient sonné l’alarme

Disons qu’au départ, le ministère français de la Défense n’était pas particulièrement heureux de la manière dont le tandem Chirac-Raffarin avait signé l’accord avec la Chine. On savait de ce côté que le laboratoire était très possiblement destiné à un double usage, civil et militaire, avec comme objectif la fabrication d’armes bactériologiques. Les services français savaient parfaitement que les militaires chinois travaillaient sur ce type d’armes et qu’ils avaient pris le contrôle de plusieurs laboratoires P3 que la France avait fournis à la Chine juste après l’épidémie du SRAS.

En juin 2004, la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) prévenait les autorités françaises que la Chine projetait de construire cinq autres labos P4, soit trois civils et deux militaires. En outre, des unités mobiles P3, avait-on averti, avaient disparu des radars sans que les Chinois puissent ou veuillent fournir des explications. Des scientifiques français qui avaient visité un laboratoire de virologie à Harbin, dans l’extrême nord-est de la Chine, avaient rapporté des histoires d’horreur sur les graves risques de contamination auxquels étaient exposés les chercheurs de l’endroit.

À Washington, on se demandait ce qui avait pris aux Français de se jeter de cette façon dans la gueule du loup. L’ambassadeur américain à Pékin, Clark T. Randt, avait insisté auprès d’un diplomate français : « Pas de P4, pas de P4. C’est interdit, vous ne pouvez pas faire ça », avait-il dit. Les Français ne l’ont jamais écouté.

Mérieux abandonne

Entre Mérieux et la Chine s’est écrit une longue histoire, qui remonte à 1965 pour être plus précis. En 2005, l’institut familial fonda un laboratoire sur les maladies respiratoires en collaboration avec l’Académie chinoise des sciences médicales à Pékin. En 2015, les deux institutions signèrent une entente avec le gouvernement du Mali sur le partage « des données et des recherches sur les agents pathogènes » que l’on retrouve chez les chauves-souris.

À Wuhan, des nuages se sont toutefois accumulés très tôt au-dessus des têtes d’affiche françaises, dont Alain Mérieux, qui ont vu le projet de labo échapper à leur contrôle. Des périodes de discorde se succédèrent entre les deux camps. La Chine, entre autres, renia son engagement à employer une société de conception française pour avoir plutôt recours à une société chinoise, IPPR Engineering International, soupçonnée par les services de renseignement occidentaux d’être à la solde de l’armée chinoise.

Dans tout ce bazar, Alain Mérieux, frustré, démissionna en 2015 de la présidence de la commission mixte qui supervisait le tout. « [Le projet] appartient entièrement [aux Chinois], même s’il a été développé avec l’assistance technique de la France », déplora-t-il. L’inauguration officielle de l’installation de quatre étages et de 32 000 pieds carrés, semblable à un bunker, eut lieu en février 2017. Le premier ministre français, Bernard Cazeneuve, avait alors fièrement annoncé que 50 chercheurs français seraient en résidence à Wuhan pendant cinq ans. Ils ne mettront pourtant jamais les pieds à l’IVW.

Celui-ci est devenu opérationnel en janvier 2018. Ne faisant pas confiance aux Chinois, l’ambassade américaine à Pékin dépêcha le même mois des attachés scientifiques à Wuhan pour observer les opérations du nouveau laboratoire et rencontrer ses chercheurs. Selon le Washington Post, les attachés scientifiques furent tellement alarmés par leur visite qu’ils envoyèrent deux câbles diplomatiques à Washington à cet égard. 

La fuite du labo n’est aujourd’hui plus considérée comme une théorie du complot pour expliquer l’émergence du COVID-19 chez la communauté scientifique. Et la cible principale demeure l’Institut de virologie de Wuhan. Un institut qui inquiétait les services français et américains avant même sa naissance. Avaient-ils raison?


Sources

BioMérieux, Challenges, Fondation Mérieux, France Culture, Jean-Pierre Cabestan, Mérieux NutriSciences, The American Spectator, Twitter #1, #2, #3, #4, Virologica Sinica

 

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